Les Chroniques de Kamâh N°5,
Entre Pâques et Korité, refusons de prendre les mêmes pour redoubler !
Entre les célébrations de Pâques et de la Korité, des événements riches d’enseignements politiques se sont déroulés au Sénégal : des procédés inhabituels pour paralyser des hommes politiques, des arrestations politiques dans « un pays qui n’a pas de prisonnier politique », la Oumra concertée pour la survie politique contre l’alternance de rupture et la mise en place salutaire de la Plateforme des Forces vives de la nation F.24. Vient s’y ajouter la « toilette du souvenir » d’un as de la tortuosité qui, voyant se briser son rêve de faire main basse sur la cagnotte du chef, finit par quitter l’opposition, corps et âme, perdant ainsi définitivement l’opportunité de faire partie de ses couvre-chefs même s’il fait semblant d’oublier la règle du « bato dem, bato kosté ». Tout cela est couronné par l’appel traquenard au dialogue et le chantage à la participation d’un président sortant qui se sait déjà perdant.
Bref, les choses se clarifient. Wax feeñ, noppi feeñ ! Le silence et la parole valent leur pesant d’or ! Si la confusion a persisté, c’est que les lignes de démarcation n’ont pas été bien tracées par le biais de ce qu’il est convenu d’appeler « L’épreuve du miroir ». Maintenant, l’urgence est signalée pour les citoyens.Ils doivent éviter de prendre les mêmes et maintenir ainsi le Sénégal dans la spirale négative de la politique politicienne.
Des réponses attendues….
Dans un article intitulé « L’épreuve du miroir » (août 2022), j’exprimais la forte conviction que « beaucoup de Sénégalais n’acceptent plus de se laisser berner par des slogans du genre « Tout sauf X » ou autres caricatures. Les Sénégalais veulent savoir à qui confier les rênes du pays et se donner les moyens de le contrôler, d’évaluer objectivement ses actions et de les sanctionner efficacement par le biais de corps de contrôle bien outillés, d’une Assemblée nationale impartiale et d’une justice indépendante. L’heure est aux « dues diligences », ces vérifications préalables qui consistent à « allumer les torches » pour éclairer le chemin déjà parcouru par les prétendants afin de déceler les signes précurseurs de leurs potentielles dérives, constituent une première étape indispensable. C’est l’épreuve du miroir. »
Il est vrai que nul n’est parfait mais ceux qui ont une saine prétention « de diriger un pays ou de faire partie de ceux qui décident à la place de tous, doivent assurément réunir des conditions optimales pour rassurer les gouvernés ». Il est donc normal que « les candidats acceptent de se regarder dans le miroir, de scruter et de ressasser leur passé, de dérouler le film de leur implication dans la marche du pays, de se poser les vraies questions de conscience, d’y apporter les réponses idoines et d’en tirer les conséquences ».
Entre Pâques et Korité, les pertinentes interrogations adressées aux candidats dans « l’Epreuve du miroir » retrouvent leur actualité et attendent des réponses.
Une déplorable confirmation
Entre Pâques et Korité, il nous a été confirmé que le président sortant et perdant a assumé l’érection en règle de la violation des droits et libertés, les procédures judiciaires accélérées, les incertitudes qui planent toujours sur la participation des candidats de l’opposition à l’élection présidentielle, telle une épée de Damoclès.
Sur quoi dialoguer ?
Entre Pâques et Korité, les événements ont également remis au goût du jour le « dialogue ».
C’est une pertinente conclusion pour deux sujets préoccupants qui dépendent de l’intervention de chaque partie : le système électoral et les droits et libertés.
Le système électoral
Sur l’impérieuse nécessité de remettre à l’endroit le système électoral biaisé au Sénégal. Malgré les fausses assurances de Macky Sall, tout le monde sait que, depuis son arrivée au pouvoir en 2012, il a procédé à un démantèlement du système électoral consensuel en vigueur à travers quatre forfaits majeurs : le fichier électoral miné, la carte d’électeur fusionnée avec la carte d’identité nationale, le parrainage pour recaler des candidats et l’organisation des élections par un ministre de l’Intérieur partisan. J’ai l’habitude de dire que le système électoral a été terrassé : une chute à « quatre appuis » pour faire référence à la lutte avec frappe au Sénégal ! Mettre fin à l’échappée solitaire du pouvoir en place sur les questions électorales est une exigence. Le premier test est d’échanger sur les modalités de réforme du système de parrainage pour satisfaire les griefs de la justice communautaire.
Les droits et libertés
A propos de l’exercice des droits et libertés, des échanges sont nécessaires pour garantir le droit à manifester sans cocktail molotov ni supplice du « bâton ».
Pas de chantage « participation/3eme mandat »
Sur les dossiers judiciaires dressant des obstacles à la participation à l’élection présidentielle de candidats de l’opposition, il n’est absolument pas question de céder à un quelconque chantage à la participation avec, à la clé, la validationpolitique d’un troisième mandat du président sortant.
Si le pouvoir en place reconnaît enfin le caractère non équitable des procès, son implication inopportune et les gravesmanquements aux procédures et s’il est vraiment disposé às’amender, point besoin de dialogue. Il convient de prendre les dispositions idoines pour assurer la participation de tous à l’élection présidentielle, d’arrêter ou de suspendre les poursuitesen attendant de réviser les procès.
Dans ces conditions, la stabilité est certainement sauvegardée.
Au-delà de la prière.
Enfin, après Pâques et Korité, prions, en cette période de grâce où carême et ramadan ont fini de se répartir la majorité des âmes, pour que ces sources de tension n’installent pas le Sénégal dans une instabilité chronique. Au-delà de la prière, disons-nous ces quelques vérités fondatrices qui constituent un prélude à une offre programmatique crédible pour la « Construction du Sénégal du Futur », (titre de mon ouvrage).
Pour l’élection présidentielle de 2024, la balle est dans le camp des citoyens qui doivent nous épargner du travers qui condamne à prendre les mêmes et à redoubler.
Boubacar CAMARA Kamâh
Avril 2023