Les Chroniques de Kamâh., ne faisons pas semblant.
Ne faisons pas semblant d’être surpris par la tension politique et sociale
Tous les régimes politiques qui se sont succédé au Sénégal ont laissé une belle empreinte dans des domaines précis. Le régime socialiste a enregistré, avec le Président Senghor, des acquis fondamentaux pour la formation d’une jeune nation et, avec le Président Diouf, la consolidation d’une administration publique fonctionnelle. Pour sa part, le Président Wade peut être considérée comme le père de la démocratie sénégalaise, son apport pour un processus électoral transparent, durant 26 ans dans l’opposition et, durant son magistère, pour le libre exercice des droits et libertés y compris celle de manifester, est incontestable. Le Président Sall a réalisé des pas décisifs pour les infrastructures et l’équité territoriale.
Bien évidemment, tout n’a pas été idéal. Mais, globalement, on doit à l’honnêteté de reconnaitre ces efforts. Le Sénégal le leur doit même si les conséquences désastreuses des imperfections de ces régimes sont encore vécues avec tristesse à cause des nombreux virages ratés.
Aujourd’hui, les travers du régime du président Macky Sall en matière de mauvaise gouvernance, d’injustice et de violation des droits et libertés des citoyens sont entrain de déranger et risquent de détruire jusqu’au petit bonheur routinier du citoyen ordinaire. Les alertes n’ont pas manqué. La surdité a prédominé. Le dernier verre de bissap amer est en train d’être tiré. La question est de savoir qui va le boire ?
Beaucoup de voix s’indignent à juste raison de la tension politique et sociale. La communauté internationale s’interroge sur ce qui a pu arriver au Sénégal, jadis vitrine de la démocratie et de l’État de droit. Les premières clameurs du monstre enfanté par l’accumulation des dérives commencent à réveiller ceux qui comprennent que l’horrible animal risque d’avaler sans distinction les fautifs et les victimes. C’est déjà un pas important.
Qui a transformé le Sénégal en champ de joutes verbales et d’affrontements physiques où les interdictions de manifestations, et les arrestations sont devenues monnaie courante ?
Qui a démantelé, pièce par pièce, « patiemment et obstinément », le régime électoral intègre qu’il a trouvé sur place en 2012 ?
Qui est resté insensible aux alertes et cris désespérés de l’opposition politique et de la société civile qui s’insurgent contre les atteintes aux droits et libertés, les restrictions du droit à l’information y compris l’interruption de signaux d’émission de télévision ?
Qui a tiré profit de poursuites judiciaires menées en violation flagrante des droits et libertés de potentiels candidats à l’élection présidentielle ?
Qui a tiré profit de modifications du code électoral complétant le corset judiciaire d’exclusion de candidats ?
Qui a ignoré royalement les décisions de la justice internationale favorables aux opposants politiques notamment celle enjoignant d’abandonner le parrainage ?
Qui a donné l’impression aux sénégalais que certains dossiers sont traités avec plus ou moins de diligence en fonction des appartenances politiques des concernés ?
Qui est en train de dérouler une campagne électorale permanente, à travers des investitures folkloriques et des enchainements médiatiques tous azimuts, pour une troisième candidature impensable et qui fait craindre des conséquences désastreuses ?
Qui est la puissance invitante au désordre qui laisse dans l’oubli des morts et des arrestations non élucidés au point de pousser la puissance défensive à résister, se braquer et se radicaliser ?
La réponse est claire. A présent, les responsabilités sont situées.
Qui a laissé faire en optant pour l’indifférence ?
De grâce, ne faisons pas semblant d’être surpris par la tension politique et sociale actuelle pourtant prévisible et dont tous les signaux crevaient les yeux.
Je suis convaincu, comme beaucoup de nos compatriotes, que les responsables de l’opposition et de la société civile ont fait preuve de maturité et de volonté de sauvegarder la paix et la sérénité dans ce pays, ce qui a permis d’éviter de basculer dans l’instabilité, surtout dans les périodes électorales.
Face à ces multiples et violentes agressions, qui ose demander aux démocrates de se taire et se terrer dans la couardise et la trahison des idéaux pour lesquels ils ont choisi de se battre ? En tout cas, cet appel sera vain.
Il est vrai que la réaction engendrée par les atteintes aux droits et libertés ont entrainé des dérapages et des dégradations des biens publics ou privés qu’il n’est pas aisé de prévenir ou d’éviter en de telles circonstances. Un travail de sensibilisation est nécessaire pour mieux faire comprendre le bien fondé du combat démocratique en cours et pour se prémunir contre les diabolisations et les jugements des donneurs de leçons qui mettent tous les « politiciens » dans le même sac.
La vérité est simple : que celui qui agresse arrête sa furie et la paix sera retrouvée.
Dites-le lui pour aider le Sénégal. Demandez-lui de se ressaisir et d’accepter que le produit toxique soit enseveli pour une paix durable au Sénégal. En tout cas, personne ne consentira le sacrifice de boire le dernier verre de bissap amer à sa place.
Pour ce faire, aucune initiative ne sera de trop. Il sera alors possible de trouver ensemble les moyens de sortir de l’impasse paralysante.
Boubacar CAMARA Kamâh
Vendredi 17 février 2023